Joué de l'autre main

Je vous propose une donne où nous sommes les seuls à chuter à 3SA.

Donne 18 Dlr: E Vul: NS RV6 A642 RD1083 3 A932 75 975 R1092 85 RV108 V64 D875 D1074 D93 A2 AV64

Les enchères nous ont menés au contrat de 3SA joués par S après une ouverture d'1SA faible.
E    S    W    N
    1SA   -   2T
-    2P   -   3SA
Si on ouvre plus classique, le contrat est joué de l'autre main.
E    S    W    N
    1T    -   1K
-   1P   -   3SA
Dans ce dernier cas de figure, E risque d'entamer coeur et de filer le contrat. On place la dame qui tient, et il suffit de faire sauter l'as de pique pour assurer 9 levées. Comme en plus les carreaux viennent, on finira facilement avec 3SA+2.
La couleur trèfle pose beaucoup plus de problèmes. L'entame 4ème meilleure est assez extraordinaire. Elle renseigne complètement W sur la distribution de chaque carte. Si le déclarant joue petit du mort, ouest peut même se permettre de laisser la main à son partenaire au 5 de trèfle! Mais il faut bien entendu couvrir du 6. W devra alors switcher coeur pour donner la main à E, qui continuera trèfle du 7 laissé passer par tout le monde. Un dernier coup de trèfle scellera le sort du contrat, la défense réclamant 3 plis à T, 1 à C et l'as de pique.
Si W insiste à T sans passer par les coeurs, la défense n'aura plus le temps de voler un pli à coeur. Dès que le déclarant prend la main, il joue pique et réalise son contrat.
Même en cas de switch coeur à la deuxième levée, il existe un moyen pour le déclarant de gagner son contrat. Il faut plonger de l'as. Cela permet de gagner un temps sur la défense et de déloger l'as de pique alors qu'on dispose encore de l'arrêt trèfle, les carreaux faisant le reste.
A notre table, W a trouvé l'entame redoutable du 7 de coeur. C'est vrai que N peut gagner son contrat en utilisant la même technique, c-à-d plonger de l'as tout de suite. Mais la décision est beaucoup plus difficile à prendre à la première carte. L'entame du 7 peut être une 4ème meilleure sous le roi (RV87 ou R1087), et on a évidemment intérêt à laisser filer.
C'est une belle illustration de la complexité de l'attitude en deuxième main. C'est un domaine difficile qui requiert beaucoup de réflexion, qui plus est parfois au préalable car il existe de nombreux cas où une hésitation permet au déclarant de deviner la bonne ligne de jeu.