mercredi 18 juin 2014

Faut-il pousser le contrat?

Je n'ai pas joué hier soir.
Alors en contrepartie nous allons parler aujourd'hui d'un sujet bouche-trou que je gardais pour ce genre d'occasions.

La Question
La question à résoudre est la suivante. Un contrat, tel qu'une manche, a un certain pourcentage de réussite. A partir de quel pourcentage de réussite doit-on annoncer ce contrat?
Je conseille à ceux à qui les maths ont toujours donné des boutons de sauter directement au paragraphe "Conclusions".

Le Calcul
Tout d'abord, ce problème est évidemment impossible à résoudre en tournoi par paires, puisqu'il dépend de l'attitude des autres joueurs. Concentrons-nous donc sur les matches. 
Le raisonnement à suivre est qu'il faut annoncer le contrat lorsque, en moyenne, on gagne plus de points en l'annonçant qu'en ne l'annonçant pas.
Pour simplifier, supposons qu'il n'existe que deux options: le contrat est juste fait ou chute d'une levée. Pour des calculs plus compliqués, on devrait prendre des hypothèses simplificatrices, par exemple que la chute de deux levées est trois fois moins probable que la chute d'une, etc. Mais restons sur le cas simple: ça gagne ou ça chute d'un, et prenons l'exemple d'une manche en majeure non vulnérable.
Si on annonce la manche, on marquera en moyenne 420 X le pourcentage de réussite - 50 X le pourcentage d'échec. 
Si on ne l'annonce pas, on marquera 170 X le pourcentage de réussite + 140 X le pourcentage d'échec. 
On obtient la réponse au problème en résolvant l'équation
(marque moyenne en l'annonçant) >= (marque moyenne en ne l'annonçant pas).
Comme le pourcentage d'échec = 100 -  le pourcentage de réussite, l'équation ci-dessus donne 
pourcentage de réussite >= (19000/440), c-à-d 43,2%.
Le même calcul peut être effectué pour les différentes situations possibles. On obtient le tableau suivant.


Conclusions

Pourcentage de réussite NV Vul
Manche à SA 40,5% 32,8%
Manche en majeure 43,2% 34,8%
Manche en mineure 41,9% 33,8%
Petit chelem à SA 50,5% 50,3%
Petit chelem en majeure 50,0% 50,0%
Petit chelem en mineure 47,4% 48,3%
Grand chelem à SA 67,5% 67,2%
Grand chelem en majeure 67,3% 67,1%
Grand chelem en mineure 66,0% 66,2%

Une première constatation: l'attitude face aux chelems n'est pratiquement pas influencée par la vulnérabilité. Il en va tout autrement des manches, où il faut être beaucoup plus agressif pour les manches vulnérables.
Essayons maintenant de rendre ces pourcentages tangibles. 

  • Les petits chelems doivent être annoncés lorsqu'ils ont 50% de chances de réussite. Cela veut donc dire que si le chelem dépend uniquement d'une impasse, il doit être nommé. Mais le pourcentage réel de réussite d'un tel chelem sera souvent diminué par les cas de distribution extrêmes (atouts 5-0, couleur annexe 6-1 avec as manquant pour entame + coupe, etc.). Un petit chelem ne devrait donc pas souvent être annoncé s'il dépend d'une impasse.
  • Le pourcentage de réussite des grands chelems navigue autour de 66-67%. En tenant compte des mêmes cas extrêmes pour les couleurs annexes, un grand chelem est déjà limite lorsqu'il nécessite une répartition 3-2 des atouts adverses (68%). En règle générale, les grands chelems sont les contrats où il faut être le plus prudent.
  • Une manche non vul nécessite un taux de réussite d'environ 41-42%. Il vaut donc mieux ne pas l'annoncer si elle dépend des atouts 2-2 (40%).
  • Enfin une manche vulnérable devient limite lorsqu'elle dépend d'une couleur répartie 3-3 (et seulement de cela), dont le pourcentage est de 36%. Elle ne doit en tout cas pas être annoncée si elle requiert les atouts 3-2 et une impasse (34%).

Ces chiffres sont évidemment indicatifs. Rappelons qu'ils sont basés sur des hypothèses simplificatrices. Ces hypothèses tendent à sous-estimer le pourcentage nécessaire car les contrats limites peuvent rarement gagner avec une surlevée, tandis qu'ils peuvent chuter de deux.
Les pourcentages nécessaires sont donc en réalité légèrement supérieurs. 
Néanmoins, en prenant les chiffres ci-dessus et en y ajoutant une marge de sécurité de 2-3%, je pense qu'on est dans le bon. 
Un de ces jours, je ferai le calcul pour le contre: à partir de quel pourcentage d'échec doit on contrer? Question intéressante, non?


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