jeudi 16 février 2012

Les chelems ont une odeur

Vous ne le saviez pas? Les chelems ont une odeur spéciale, un mélange de sueur et d'épices dans une température torride. Je l'ai très nettement perçue hier soir lors de la donne 15.
Donne 15
Dlr: S
Vul: Tous









A9
AD107
R10
ADV63
Je vous mets dans ma peau quand elle m'a caressé les narines.
S     W    N    E
1T*   -   1P**  2K
3T*** -   5T


* T fort, indiquant 16H+.
** Au moins 8H et 5 cartes à P
*** Naturel T
C'est donc maintenant à moi, et j'ai cette subtile odeur de chelem qui vient me titiller. Reste à voir si elle vient de mon jeu ou de la table à côté.
Par son 5T, mon partenaire m'indique qu'il a un jeu limité à la manche, probablement de 8 à 10H, avec de bons T en soutien. On peut raisonnablement espérer l'as et la dame de K en E.Le manque de volonté de N à demander l'arrêt K (par une enchère de 3K) montre qu'il y est court et faible.
Si mon partenaire n'a pas le R de T, on peut lui supposer R de C et RD(V) de P. Le chelem demande alors le R de T placé, ce qui pourrait bien être le cas puisque E est intervenu avant de savoir que T était ma couleur. S'il a le R de T, il pourrait très bien ne pas avoir le R de C. Pour réussir le chelem, il faut qu'il soit singleton, ou doubleton avec le R de coeur placé, ce qui semble une hypothèse raisonnable. Le chelem commence à sentir mauvais (oui, je ne vous ai pas parlé de l'odeur fétide du chelem pourri, mais je suis sûr que vous la connaissez bien) si N a 3 cartes à C sans le roi. Mais il a déjà montré 5 P et 4 ou 5 T, cela ferait un minimum de 10 cartes à K en EW, n'auraient-ils pas surenchéri à 3K?
Au total il me semble bien que l'odeur vient de mon jeu, et j'ai mis 6T.
Passons à la donne complète et au jeu de la carte.
Donne 15
Dlr: S
Vul: Tous
RV865
3
V86
R742
D1073
98654
42
105
42
RV2
AD9753
98
A9
AD107
R10
ADV63
Entame K du 4 pour l'as d'E bien entendu, suivi du retour K pris du R pour le 2 en W.
As de C, C coupé et le V vient en E.
Là il faut choisir une ligne de jeu. Si E n'a que deux coeurs, il faut jouer R de T et T en espérant qu'E n'ait pas 3 cartes à T, et présenter la D de C pour la surcoupe du R d'W. Mais si jamais E a 3 C le chelem chute.
J'ai préféré miser sur la présence de 3 cartes à C en E et couper petit. J'ai alors vu le roi s 'écraser et le chelem a commencé à exhaler un parfum suave de top absolu.

jeudi 9 février 2012

Les contrats les plus difficiles

Les contrats les plus difficiles, ce sont bien entendu les 1SA pourris où il faut se démener comme un beau diable pour gratter +90. La donne 27 d'hier soir en est un bel example.
Donne 27
Dlr: S
Vul: Pers
54
DV103
RV7
A1097
9873
87642
D
R54
A102
R9
A1094
DV62
RDV6
A5
86532
83
Vous vous retrouvez à la tête de 1SA en N dans le silence adverse. Je sais, les enchères normales conduisent à 1SA en E. Mais ce contrat-là est peu amusant à force d'être désespéré, alors je m'intéresserai plutôt à ce qui s'est passé à notre table.
J'ai reçu l'entame d'un petit T pour le R et l'A.
Il y a possibilité d'établir 2 plis T, 3 plis C et 2 plis P en donnant la main au maximum 4 fois. Les perspectives sont bonnes. Mais voilà, je joue en paires, et il me faut du bonus.
Comme je ne crains pas vraiment de contre-attaque, j'ai donc décidé d'établir aussi quelques plis K au passage. Petit P pour le V, petit K pour la D, le R et l'as. Et un de gagné, un.
Longue réflexion chez Jean-Marie. On comprend pourquoi. Ca sent la remise en main avec la perspective de devoir jouer soi-même K ou C. Pour éviter cela, E tire la D de T, son as de P et joue P. Je tire mes piques du mort en écartant un C et un K. E écarte un petit T.C'est vrai que j'ai de plus en plus de mal à décider ce que j'écarte, mais j'ai quand même 4 plis, et je dispose encore du V de K, de l'as de C et de mes C. Mon sourire s'élargit.
Et dans ma béatitude, j'ai donc voulu jouer l'impasse C machinalement. Petit K pour mon V, et au moment de présenter ma D de C, la réalité m'a rattrapé.
Si l'impasse rate, W remet le mort en main à l'as de C, qui sera obligé de jouer K pour une chute. J'ai donc du deviner la place du R de C, que j'ai bien entendu placé en W vu les points déjà montrés, et j'ai joué A de C suivi d'un petit C en espérant remettre W en main.
Jean-Marie a alors simplement abattu son jeu.
Alors que si je continue à rester les pieds sur terre, je ne touche pas à mon V de K. Je joue A de C, puis petit C vers ma main et j'assure mon contrat. Ou ne pas toucher du tout aux K. E, remis en main en cours de jeu, va finir par devoir donner un T et je risque même de faire +1.

jeudi 2 février 2012

Le Muiderberg

Silence radio du blog la semaine dernière. Allez hop on se rattrape cette semaine et on vous offre deux donnes pour le prix d'une. Je suis sûr que le nombre de commentaires va aussi doubler, puisque 2 X 0 = 0. C'est pourtant simple, vous n'avez qu'à cliquer sur le lien "commentaires" en-dessous de l'article et vous entrez votre texte.
Les 2 donnes d'hier soir que je vous propose sont reliées par l'utilisation du Muiderberg. 
La convention Muiderberg consiste à ouvrir de 2 coeurs ou 2 piques avec une main faible, 5 cartes dans la majeure d'ouverture et 4 cartes dans une mineure non précisée.
Donne 26
Dlr: E
Vul: All
A5
9875
AD1082
R8
1084
A43
764
DV62
DV932
2
RV95
543
R76
RDV106
3
A1097
Sur la donne 26, nos adversaires ne l'utilisaient pas, et ils ont failli en subir les conséquences.
E    S    W    N
-   1C    -   2SA
-   3K*   -    4C

* Le 3K indique chez nous une main de  14-15H avec une courte à K. On préfère le jouer "à l'envers", et garder les réponses positives au palier de trois. Par exemple, la même main avec la D de pique au lieu de l'as verrait une réponse de 4K. Evidemment, le 2SA fitté devient forcing manche. Ici, mon partenaire a apprécié la séquence d'honneurs à coeurs à sa juste valeur et a légèrement surévalué sa main. 
Sur la courte à K, j'ai un problème en N. Une courte à T m'aurait arrêté à la manche, une courte à P m'aurait poussé au chelem.Mais quid de K? J'ai l'as, ce qui est une bonne chose. Mais le reste est perdu. C'est dommage, AD10 cinquièmes auraient été tellement utiles en face de 3 petites. J'ai donc réévalué ma main à 14DH (11H et 3D pour les deux doubletons et le neuvième atout) et je me suis arrêté à la manche. Mais je n'étais pas loin de taper 5C, qui nous aurait amené au chelem. 
Alors le chelem chute sur entame de l'as de C suivi d'un retour atout. D'accord, mais il faut le trouver.  Richard, sur 4C, a préféré entamer pique et nous avons réalisé 12 levées. 
Quel rapport avec le Muiderberg, me direz-vous?  Simplement qu'E peut tuer toute velléité adverse en ouvrant de 2P. S va dire 3C, N va conclure à 4 et tout le monde sera content. 
C'est le grand avantage de cette convention: elle prend beaucoup de bidding space et se présente plus souvent que le 2 majeur faible classique. 
Ces avantages se retrouvent sur la donne suivante, la 11. Là, c'est nous qui avons failli empêcher les adversaires de trouver le chelem après des enchères dignes d'un combat de boxe.
Donne 11
Dlr: S
Vul: None
5
D643
964
108763
AV763
R10
RV105
RV
94
AV982
A2
AD54
RD1082
75
D873
92
S    W    N    E
2P   2SA  3T*  X
3K   X    -   3P

-    3SA  -   6SA**
*Relais non forcing pour jouer 3T ou 3K. Je reconnais que c'était osé, 3K X auraient été une catastrophe. Mais en pratique c'est rare que l'utilisation du Muiderberg mène à de réelles débâcles. Les contre à ce niveau sont généralement d'appels et la plupart des paires ne parviennent pas à punir un 3 mineur.
**L'effet.barrage du Muiderberg n'a pas fonctionné cette fois-ci. Mais tout le monde n'a pas la qualité de Georges Babikow, et beaucoup de paires risquent de s'arrêter à 3SA.
Le chelem gagne: on donne la dame de C et le singleton P de N l'empêche de redonner la main à son partenaire. Au total, on fait 1 P, 4 C, 3 K avec l'impasse et 4 T.